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Les échanges seront révolutionnés 24 heures sur 24


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    La tokénisation modifiera les horaires dans la finance, prévoit Yves Lonchamp de Seba Bank.

    Yves Longchamp, en tant que directeur de la recherche chez Seba Bank, à Zoug, se penche sur la valorisation des actifs cryptos et leurs possibilités d’intégration dans un portefeuille diversifié. Il s’efforce aussi de traduire en langage traditionnel les concepts nouveaux. Il répond aux questions d’Allnews sur le sentiment des acteurs de la crypto et sur ses perspectives:

    Quelles seront les priorités de la finance crypto ces prochains mois?

    Notre attention portera principalement sur les Etats-Unis, non seulement sous l’angle macroéconomique, mais aussi réglementaire. En ce moment, les Etats-Unis s’efforcent en quelque sorte de «nettoyer le système crypto». Cette initiative a démarré le 9 mars 2022, avec un décret signé par Joe Biden qui indiquait que la crypto était dorénavant acceptée aux Etats-Unis. Les crises se sont ensuite succédées (Terra Luna, FTX) et ont coupé l’élan initial. Une phase d’incertitude a démarré. Puis, nous avons assisté à des attaques des autorités contre des plateformes comme Binance.US et Coinbase, arguant que certaines devises cryptos seraient des titres (securities) et non des monnaies.

    «Une cryptodevise n’est ni une devise traditionnelle, ni une action, ni une obligation, ni une matière première.»

    Nous sommes à la croisée des chemins. La crypto s’apprête à entrer dans un univers régulé. Le véritable enjeu consiste à savoir comment la régulation prendra forme. Un développement que nous suivons attentivement est le statut du produit financier que voudrait lancer BlackRock sur le bitcoin. S’il est autorisé, cela montrerait que le bitcoin est accepté par les autorités, ouvrant ainsi la voie à une adoption des cryptodevises par le secteur institutionnel.

    Où sera placée la limite entre un titre et une monnaie?

    Le financement sera le critère clé, avec celui de la décentralisation. Ethereum a été considérée comme «non securities» parce que cette devise est suffisamment décentralisée. Beaucoup de devises crypto ont toutefois été lancées selon le mode de l’IPO, mais sans en porter le nom.

    Un autre aspect important est le rôle des cryptodevises dans l’écosystème. Ont-elles pour objectifs de lubrifier l’écosystème, dans quel cas elles sont des monnaies, ou ont-elles pour but de capitaliser sur le succès d’un écosystème, ressemblant ainsi à des titres?

    Dans un écosystème donné, les cryptodevises cumulent souvent ces deux fonctions, rendant la frontière poreuse entre titre et monnaie.

    Quel est votre avis sur les monnaies numériques de banques centrales?

    Les banques centrales ont constaté l’engouement pour la finance décentralisée (DeFi) et leur pouvoir, positif ou destructeur. A mon avis, l’idée de base des banques centrales porte sur le système international des paiements et de possibles gains d’efficacité et de coût. Le but est de créer un système financier plus inclusif et juste, mais aussi résistants aux chocs financiers.

    Je pense qu’une nouvelle vague crypto peut émerger de la gestion des risques systémiques par les banques centrales. Les banques centrales veillent d’abord à la stabilisation du système financier et non à celle des prix. Elles pourraient par exemple créer un nouveau type de monnaie – les monnaies numériques de banque centrales – pour intégrer et connecter la crypto à la finance traditionnelle. En cas de crise, elles pourraient gérer rapidement et en tout temps le risque systémique, en injectant des liquidités, même le week-end, et éviter une contagion à l’ensemble du secteur financier.

    J’ai moi-même travaillé à la BNS et j’ai pu constater qu’une banque centrale est ouverte aux nouvelles technologies. Elle ne les considère pas comme des adversaires. Elles ont simplement l’obligation de les tester et de les comprendre avant de les utiliser.

    Comment imaginez-vous l’intégration de ces nouveaux instruments dans la gestion de fortune d’ici 5 ans?

    La tokénisation jouera sans doute un rôle clé. Elle fonctionne bien techniquement mais l’adoption peine à démarrer. En Suisse, la bourse suisse SIX réalise de nombreux projets dans ce domaine afin de développer l’échange de titres sous forme de jetons. Ce mécanisme devrait être moins coûteux pour émettre des titres tokénisés, ce qui pourrait intéresser les PME.

    «L’échange de titres tokénisés réduit considérablement les coûts liés à la gestion de portefeuille.»

    La grande révolution viendra de l’échange des titres 24h sur 24 et 7 jours sur 7. La mise en oeuvre devrait naturellement s’effectuer par étapes. Quand l’ancien monde (et le papier) aura disparu pour faire place à la tokénisation, les horaires de la finance devraient être rallongés.

    Outre les titres tokénisés, les cryptodevises devraient intéresser un nombre croissant d’investisseurs car elles offrent un modèle d’affaires différent des actifs traditionnels que nous connaissons. Une cryptodevise n’est ni une devise traditionnelle, ni une action, ni une obligation, ni une matière première, elle est autre, et par conséquent offre un haut potentiel de diversification.

    Il existe d’autres aspects majeurs dans ce débat. Les banques commerciales perçoivent le potentiel de la blockchain dans la réduction du back-office et de ses coûts. Car l’envoi d’un bitcoin peut être immédiat et intégrer toutes les fonctions, de la comptabilité au transfert en passant par l’administration. Par extension, l’échange de titres tokénisés réduit considérablement les coûts liés à la gestion de portefeuille, un argument simple qui devrait convaincre les gestionnaires de fortune.

    Quel sera l’apport de l’intelligence artificielle dans votre domaine?

    L’intelligence artificielle (IA) est avant tout un puissant outil d’analyse statistique et la blockchain une infrastructure permettant le stockage sécurisé de données. Ce sont donc deux technologies complémentaires qui, lorsque combinées, offrent la possibilité d’analyser en temps réel des données de qualité.

    Dans le domaine de la finance, cela devrait se traduire par une meilleure gestion des risques et une allocation du portefeuille automatisée et quasi instantanée.

    La quantité de données numériques explose et je ne vois pas qui d’autre que l’IA sera capable de les traiter toutes. La finance est une course contre la montre en termes d’information et d’analyse. Un investisseur veut connaître rapidement les dernières nouvelles, comprendre l’impact que celles-ci auront sur les prix et positionner son portefeuille en conséquence. L’IA semble l’outil idéal pour effectuer ce travail.

    La blockchain, quant à elle, permet de mettre en œuvre immédiatement les conclusions de l’IA, car la blockchain permet le transfert instantané de titres tokénisés et de devises crypto, contrairement à la finance traditionnelle qui a besoin de deux jours.

    Quelle gouvernance accompagnera l’arrivée du Web 3.0?

    La question de la gouvernance n’est pas encore résolue. A l’origine, la mouvance blockchain est parfaitement démocratique, ouverte à tous. Souvent, il est nécessaire d’avoir au moins un jeton pour participer à une décision. Mais chaque personne peut avoir plusieurs identités et/ou plusieurs jetons. En d’autres endroits, si la règle du «one coin one vote» prévaut, plus vous avez de coins et plus vous avez du pouvoir. Il n’est pas aisé de trouver un système de décision idéal qui soit à la fois représentatif, efficace et rapide. Je ne serais pas surpris que se mette en place un système proche du monde de l’entreprise, avec une délégation de pouvoir à certaines personnes compétentes.

    Ne faudrait-il pas créer un système d’approbation international?

    Oui, mais comme il n’existe pas de juridiction valable pour ce système mondial, l’incertitude est réelle. Le bitcoin fonctionne lui-même à travers des super administrateurs détenant des pouvoirs considérables. Avec les Decentralized Autonomous Organizations (DAO), tout est fait de façon transparente mais les questions auxquels les «administrateurs» sont confrontés sont complexes et demandent de solides connaissances techniques que beaucoup d’utilisateurs n’ont pas.

    Comment se porte la Crypto Valley cet été?

    L’hiver crypto de l’an dernier a été rude. L’engouement pour la crypto a diminué. Toutefois, même en hiver les idées continuent de fleurir, des innovations techniques permettant de rendre ses écosystèmes plus rapides et moins coûteux voient le jour (Layer 2).

    «L’investisseur se concentre sur un seul thème à la fois. Cette année, il s’agit de l’intelligence artificielle.»

    L’intérêt du public a aussi diminué avec la correction des prix. Je constate que l’investisseur se concentre sur un seul thème à la fois. Cette année, il s’agit de l’intelligence artificielle. Je reste convaincu que les cryptodevises reviendront un thème important. En effet, la demande sous-jacente est importante et les acteurs financiers ont étoffés leur offre crypto durant l’hiver.

    Quand le Web 3.0 décollera-t-il vraiment?

    La vraie question est celle de l’expérience de l’utilisateur avec le Web 3.0 ainsi que celle de ces attentes. Le Web 3.0 est une révolution de fond. Elle est moins spectaculaire que le passage du Web 1.0 au 2.0 qui a donné naissance aux réseaux sociaux et interactions entre les utilisateurs. Le Web 3.0 se concentre sur la sécurité et la propriété des données des utilisateurs.

    Par analogie, le passage du web 1.0 au web 2.0 est similaire à l’arrivée de l’électronique dans les voitures, une évolution dans l’expérience de l’utilisateur. La conduite est simplifiée, le confort est amélioré, mais le moteur reste le même. Avec le web 3.0, on change le moteur, on passe à l’électrique, on se concentre sur la sécurité, mais le confort reste le même.

    Je pense que l’expérience de l’utilisateur doit être amélioré pour rendre les applications web 3.0 plus simples et attractives. Il est aussi important que nous soyons mieux sensibilisés à la protection et à la propriété de nos données, il en va de la sécurité de nos identités.

    Est-ce que l’industrie crypto a besoin de l’arrivée d’un leader mondial, comme BlackRock avec son ETF crypto pour redémarrer?

    C’est très probable. L’adoption de la crypto par la finance est cruciale et elle doit paraître évidente, un peu à l’image de ChatGPT. Pour l’heure, personne ne se sent obligé d’avoir de la crypto. Et l’incertitude réglementaire n’encourage pas les bonnes volontés.

    Le régulateur doit d’abord comprendre le phénomène avant de se prononcer. Quand les institutions financières traditionnelles, de BlackRock à Julius Baer, se lancent, la confiance augmente au sein des investisseurs, d’autant plus que les banques centrales avancent à grands pas dans cette direction.

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    Author: Dr. James Miller

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